Créer un site internet

L’athéisme peut-il s'accommoder de la laïcité ?

L’athéisme peut-il s'accommoder de la laïcité ?

Tout dépend de ce qu'on appelle conscience.
La conscience relève de l'opinion, mais n'est pas une opinion publique, dans le sens qu'elle relève de l'intime et de l'individualité. On perd le sens de ce que représente philosophiquement cette opinion intime dès lors qu'on l'assimile à la croyance.

Les consciences sont multiples et sont un moteur en construction permanente, qui évolue au gré des réflexions et des échanges sociaux. Elles sont le centre de l'éthique profonde de chacun et le cadre de valeurs propres, qui délimitent les contours "du bien et du mal », dans le plus intime de chacun d'entre nous.

La laïcité protège cette intimité, c'est même le sens profond de la liberté de conscience. Cette protection de la liberté de conscience, est l’essence même de la laïcité Le droit venant préciser ce qui est punissable ou non, dans l'expression de ces consciences, au sein de la société. La loi de 1905 et la loi de 2004 sur le port de signes ostensibles dans les établissements scolaires déterminent justement ce qui est le cadre majeur de la liberté de conscience.

Pourtant, jamais la liberté de conscience n’a été autant en danger dans notre pays. Les attaques incessantes contre la partie juridique de la loi de 1905 démontrent la fragilité de la liberté de penser et son rôle philosophique dans la société. Rien n'impose à affirmer publiquement sa façon propre de se définir, à préciser sa conscience ou à l'exposer aux autres.
Rien n'oblige à exprimer cette part intime de son identité.

Et pourtant, jamais nous n'avons eu autant de revendications identitaires.

C'est un signe des temps ! Face à la laïcité et son cadre juridique, au format libertaire et individuel de l'article 1 de la loi de 1905, les entreprises de déstabilisation des consciences sont légions. La liberté de conscience est une zone grise philosophique, qui englobe toutes les façons de se définir, culturellement, religieusement, philosophiquement. On peut donc être laïque déiste, laïque athée, laïque agnostique, la laïcité est un point commun à tous. Et pourtant, cette liberté est en danger.

Elle est en danger, parce que les consciences sont un enjeu communautaire. Des forces libres que l'on tente d'agréger au dogme ou à détourner de la logique de liberté individuelle.
Toutes les tentatives d'organiser les consciences, d'attirer hors du champ philosophique les opinions intimes, relèvent de la "Politique". Pas de la politique partisane, mais bel et bien d'une forme de politique qui tend à créer une opinion publique de masse et à peser sur la société.

C'est le danger majeur. De ne plus être celui qui évolue en conscience, mais d'être soumis à des prescripteurs de consciences. Une forme de force qui a ses propres lois édictées et dupliquées pour en faire une conscience uniforme et figée avec une tendance à l'affirmation publique de cette conscience collective. Le cas le plus symptomatique et médiatique actuel, concerne " l'islam politique" qui par ailleurs ne s'oppose pas à la logique organisationnelle du catholicisme, ou du christianisme évangélique. Quel que soit la forme de prosélytisme, la dimension politique est la norme.

Le but est de grossir les rangs des adhérents philosophiques et d'entreprendre de faire taire la société civile pour imposer ses codes communautaires, sa façon de penser l'organisation collectives des consciences.
Il convient donc de " récupérer" les consciences qui se sont accommodées du cadre laïque, en profitant de l'individualité philosophique permise  par la loi de 1905. Il y a plusieurs biais. Soit le biais historico/culturel, soit l'intégrisme philosophique qui peut passer par la virulence des propos, la victimisation, ou le terrorisme armé ou social.

L'athéisme sort de ses travers. Je parle ici de l'athéisme et non de l’anti-théisme qui par définition s'oppose à la laïcité puisqu'il demande justement la fin de la liberté de conscience en dénonçant la croyance individuelle et collective. L'athéisme donc sort de ses travers, puisqu'il n'est pas en demande d'organisation collective de pensée.

Mais, il demande à être reconnu comme une conscience par toutes les autres convictions. C'est à la fois sa force et sa faiblesse. Sa force parce que l'athéisme est une réelle conscience intime et qu'à ce titre il entre en pleine force dans le champs de la laïcité, et sa faiblesse, puisque sa représentativité est diffuse, parce que ne passant pas par une organisation structurée dogmatique.

C'est sa faiblesse majeure que de ne pas être organisé collectivement, mais c'est surtout sa nature. Une individualité de la pensée qui se refuse à être uniformisée.
Face à la montée et au retour des positions dogmatiques, il convient donc à l'athéisme de s'armer, non pas pour combattre les consciences ou convertir à l'a-croyance, mais   pour faire valoir sa liberté d'être, dans le cadre légal de la laïcité, et face à l'agressivité dogmatique commune aux monothéismes à l'encontre des libres penseurs.

Il convient de rappeler que les épisodes successifs de terrorisme, de Charlie Hebdo, des terrasses ou du Bataclan, ont pour cadre l'affirmation du dogme sur l'athéisme et le caractère supposé de "kuffardise", de mécréance des victimes. Les consciences athées ont été niées au profit d'une page de publicité pour les cultes organisés. Les conséquences de ce genre de propagandes " pasdamalgalistes" sont que l'athéisme et les consciences laïques ont été bridées par un mouvement d'empathie générale pour éviter que soit assimilé l'ensemble des consciences musulmanes à un courant organisé de convictions radicales.

Il en va de même avec les comités d’éthiques d’élaboration des lois bioéthique, des représentations cléricales ayant leurs entrées au ministère de l'intérieur, par le positionnement médiatique de la représentativité des consciences...
Le mouvement général est en double impact. L'athéisme devient la laïcité et est donc désigné comme l'unique conscience laïque, et cette assimilation tend à faire de l'athéisme une religion dogmatique. C'est cela qui dénature la liberté de conscience telle que définie par la loi de 1905.

Faire de l'athéisme un culte est le sens profond de l’échange sémantique qui s'opère: La liberté de conscience devient petit à petit la liberté de croire ou de pas croire, enlevant ainsi le caractère philosophique de la seule liberté individuelle… au monde. Une liberté qui permet d’être indépendant d’un dogme collectif, de ne pas être affilié à une essence, d’exprimer son avis divergeant sur les rites, d’opposer une critique éclairée aux pratiques cultuelles et culturelles inhérentes aux organisations cléricales et cléricalistes.

L'athéisme est une conscience, et à ce titre il doit défendre la liberté de conscience. Il doit défendre la laïcité et doit entendre toutes les consciences individuelles, déistes ou non dès lors qu'elles relèvent de la liberté de conscience en renvoyant les communautarismes de pensée à ce qu'ils sont : des organisations liberticides.
La représentativité de l'athéisme devra nécessairement passer par une incarnation publique et médiatique, en évitant l'écueil dogmatique afin de revendiquer clairement la liberté de penser sans dieu, ou avec le doute de dieu, mais dans une logique libertaire, la logique de l'article 1 de la loi du 9 décembre 1905.

"La République assure la liberté de conscience, elle garantit le libre exercice du culte sous les seules restrictions édictées ci-joint après dans l'intérêt de l'ordre public."

https://www.marianne.net/debattons/forum/l-atheisme-peut-il-s-accommoder-de-la-laicite

Commentaires

  • Demare

    1 Demare Le 10/09/2020

    correction :
    pourtant sans lancer le sujet.
  • Demare

    2 Demare Le 10/09/2020

    Bonjour,
    pour apporter un élément d'expérience et de réflexion d'adulte, me considérant comme laïque agnostique jusqu'à présent, j'ai trop souvent rencontré des anti-théistes donneurs ou donneuses de savoirs pour se permettre d'exclure des débâts et d'échanges professionnels constructifs dans le service public. Sans doute qu'ils se moquaient profondément de la liberté de conscience de chacun(e), plus soucieux de verser dans des débâts conflictuels bînaires pour diviser la société et j'apprécie le fait que vous nommiez l'existence de l'anti-théisme en France qui a fait le lit de la montée de l'intolérance envers les laïcs, ignorant l'impact que des propos exclusifs , méprisants envers des croyants de tout ordre peuvent provoquer sur la durée et les personnes qui les ont subis de manière répétitive, pourtant lancer la sujet. Sans doute qu'ils pensaient éloigner l'intolérance dogmatique religieuse en agissant ainsi. Mais en fait, ils 'avaient sans doute aucune idée de ce qu'est la liberté de conscience individuelle qui cherche à s'appuyer sur des données historiques et scientifiques vérifiées sans exclure les personnes. C'est véritablement dommage car vouloir chasser de l'existence toute pensée philosophique qui prône seulement le respect de son entourage dans la diversité sans toutefois accepter des affirmations ostentatoires et prosélytes peut finir par produire l'effet inverse. et cette attitude excluante-là n'était t-elle pas du reste prosélyte et ostentatoire ou du moins particulièrement intolérante justement pour donner l'exemple de la tolérance envers la diversité, donc contradictoire ?
    Merci de cet écrit indispensable.
  • Sahut Jean-Michel

    3 Sahut Jean-Michel Le 23/02/2020

    Votre citation de l'article 1 de la loi de 1905 comporte une erreur de taille : après le mot "conscience", il y a un point et non pas une virgule.

Ajouter un commentaire

Anti-spam